Sondage – Reprise d’entreprise : femmes et hommes ont une vision différente de la transmission
Un article publié par Les Echos et écrit par Valérie Talmon – Voir l’article original
Les femmes se font plus facilement accompagner que les hommes dans la transmission d’entreprises.
Publié le 26 mars 2024 à 06:01
La grande majorité des transmissions d’entreprises est le fait d’hommes de plus de 60 ans. Alors, y a-t-il un biais de genre dans la reprise d’entreprise ? Cette question, Nadia Nardonnet se la posait depuis quelque temps. Celle qui a repris une entreprise familiale avant de créer d’autres structures, souhaite évangéliser les dirigeants à la cession à travers la création de Transmission Lab.
D’où la publication d’une enquête réalisée par Transmission Lab en partenariat avec la Fondation MMA des Entrepreneurs du Futur , le réseau FCE (Femmes chefs d’entreprises) et le CJD (Centre des jeunes dirigeants d’entreprise) Rhône-Alpes auprès de 144 femmes et 123 hommes dirigeants. (1) « L’étude nous apprend qu’il y a des différences de fait, souligne Nadia Nardonnet. La principale selon moi, c’est l’idée même que se font les femmes de la transmission. »
L’étude proposait aux répondants d’associer des mots à la notion de transmission. Si pour les hommes et les femmes, le terme de pérennité arrive en tête, côté femmes, les mots plaisir, fierté, réussite et héritage ressortent, alors que du côté des hommes, ce sont les termes de soulagement, peur, fin.
« Cette projection positive est rassurante, indique Nadia Nardonnet, car il y aura dans les années à venir de plus en plus de femmes sur le marché de la cession. »
Les femmes anticipent davantage
Autre enseignement de l’étude, les femmes subissent moins la transmission que les hommes. Elles se font plus facilement accompagner et anticipent davantage. Alors que de nombreuses enquêtes concluent qu’une transmission réussie s’organise sur 10 ans, 87 % des hommes le font dans l’urgence (en moins de 5 ans), contre 79 % des femmes.
Un peu plus d’anticipation donc, même si le chemin est encore long. Illustration que le sujet est délicat, Valérie Poisat, 51 ans, dirigeante de la TPE familiale Viel Plastiques, avoue que la transmission n’est pas encore l’une de ses préoccupations : « Ma priorité aujourd’hui, c’est le développement de l’activité. Mais si mon fils ou ma fille est intéressé, pourquoi pas. L’entreprise est une histoire familiale. Ma grand-mère l’a fondé en 1952 et dans le contexte, c’était exceptionnel. J’aimerais transmettre ces valeurs. Mais très honnêtement, je ne pense pas que le genre change la façon de diriger ou de céder, c’est plus une question de personnalité ! »
Comme le montrent l’étude et ce témoignage, nombre de cheffes d’entreprise ont un rapport différent au repreneur. Pour les femmes, la vision stratégique et la logique de croissance ne sont pas des priorités (6 % les mettent en avant) contrairement aux hommes (20 %).
Une vision divergente du repreneur
Les femmes privilégient plutôt chez le repreneur un savoir-faire (31 %) et des valeurs (20 %). Elles ne sont que 17 % à attendre de leur repreneur la poursuite à l’identique de leur direction d’entreprise (contre 27 % des hommes). A leurs yeux, un projet de reprise réussi doit inclure un aspect plus novateur.
« L’accompagnement des femmes doit être plus humain et moins financier. »
Nada Nardonnet Fondatrice et présidente de Transmission Lab
Le profil idéal du repreneur est celui d’une personne engagée (pour 34 % des femmes contre 14 % des hommes), avec un fort esprit entrepreneur (28 % des femmes contre 38 % hommes). Ainsi, les femmes dirigeantes sont dans une dynamique plus ouverte concernant le profil du repreneur, lui laissant davantage la possibilité d’imprimer sa marque, alors que les hommes recherchent des quasi-« clones » et des projets de reprise qu’ils peuvent contrôler.
Autre différence notable, celle de la finalité de la transmission. 32 % des femmes veulent transmettre pour changer de vie ou développer une nouvelle entreprise, alors que les hommes ne se projettent que dans 17 % de ces situations. Et seules 23 % des dirigeantes envisagent la transmission comme une contrainte imposée par leur âge, leur santé ou de l’endettement contre 58 % des hommes.
S’il semble difficile d’expliquer ces différences sans sombrer dans quelques clichés, et en rappelant, comme Nadia Nardonnet, que « la fonction prend le pas » au-delà du genre, cette étude a le mérite de mettre en lumière la nécessité d’un accompagnement sans doute différent : « Les femmes recherchant avant tout dans la transmission un plus pour leur entreprise, et non pour elles en premier. Leur accompagnement doit être plus humain et moins financier », avance Nadia Nardonnet.
(1) Etude menée en deux temps (2019 puis 2023).